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Le Premier ministre suspendu, crise politique en Thaïlande
La Cour constitutionnelle thaïlandaise a suspendu mercredi le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha, le temps de déterminer s'il peut rester au-delà de la limite de huit ans au pouvoir fixée par la Constitution, ouvrant une crise politique à quelques mois d'élections générales.
L'instance peut prendre plusieurs semaines pour trancher ce noeud juridique qui a mis sous tension la capitale Bangkok, où des manifestations ont eu lieu dès mardi.
Députés de l'opposition, professeurs, syndicats étudiants... De nombreuses voix se sont levées pour réclamer le départ de Prayut Chan-O-Cha, qui a atteint, selon eux, la limite de huit ans en poste fixée dans la Constitution de 2017.
Mais pour ses partisans, deux interprétations pourraient permettre à l'ancien général de 68 ans, approuvé comme Premier ministre par le roi le 24 août 2014 à la suite d'un coup d'État, de rester au moins jusqu'à des élections générales prévues en mars 2023, voire au-delà.
"Laissons la Cour constitutionnelle décider", s'est borné à dire la semaine dernière l'intéressé, qui a esquivé les questions sur ce sujet brûlant ces derniers jours.
La Cour constitutionnelle a officiellement démarré mercredi son examen. Elle a voté à cinq juges contre quatre pour suspendre de manière immédiate le Premier ministre, comme le demandaient les députés de l'opposition, à l'origine de la saisie.
Le vice-Premier ministre et numéro deux du gouvernement Prawit Wongsuwan, 77 ans, va occuper la fonction de Premier ministre par intérim.
- Prawit Wongsuwan pour l'intérim -
"Le général Prawit Wongsuwan va être Premier ministre par intérim parce qu'il est le premier sur la liste de succession des vice-premiers ministres", a annoncé à la presse Wissanu Krea-ngam, également vice-Premier ministre - il y en a six.
"Le gouvernement actuel va poursuivre son travail normalement, parce que le général Prayut n'a pas été exclu de son poste, mais seulement suspendu", a poursuivi le dirigeant, en rappelant que Prayut Chan-O-Cha continuera à siéger au gouvernement en tant que ministre de la Défense, poste qu'il occupait en doublon de celui de Premier ministre.
Si l'annonce de cette suspension est une surprise, les experts interrogés par l'AFP s'attendent à voir la Cour trancher dans le sens de Prayut Chan-O-Cha qui a résisté à toutes les crises depuis 2014, notamment lors des manifestations pro-démocratie massives de 2020.
"La longue liste des décisions à sens unique qui ont bénéficié à Prayut Chan-O-Cha parle d'elle-même (...) Le scénario le plus probable, c'est qu'il avance en claudiquant jusqu'à la fin de son mandat, au-delà de la limite des huit ans", a expliqué Thitinan Pongsudhirak, professeur de sciences politiques à l'Université Chulalongkorn de Bangkok.
En cause, la Constitution de 2017, rédigée sous la junte militaire et jugée favorable aux intérêts de l'armée.
"La légitimé de la Cour constitutionnelle est débattue depuis sa création (en 1997, ndlr). Elle était déjà politisée quand Thaksin Shinawatra était Premier ministre (2001-2006, ndlr). C'est attendu qu'elle tranche en la faveur de Prayut Chan-O-Cha", renchérit Napisa Waitoolkiat, analyste politique à l'université de Naresuan.
- élections en vue -
Une lecture pro-Prayut de ce texte prend comme point de départ du calcul des huit ans 2017, soit l'entrée en vigueur de la Constitution. Une autre prend même comme point de départ 2019, année des élections législatives qui ont légitimé son pouvoir.
Depuis mardi, des conteneurs déposés par les autorités barrent la route qui mène à la maison du gouvernement à Bangkok, où plus d'une centaine de personnes ont réclamé le départ du Premier ministre.
La suspension pourrait rebattre les cartes en vue des élections générales de 2023.
Ancien général comme Prayut Chan-O-Cha dont il est très proche, Prawit Wongsuwan est également le chef du Palang Pracharat, le principal parti au pouvoir.
"C'est comme naviguer un bateau dans une baignoire, en passant du général Prayut au général Prawit", a réagi Pita Limjaroenrat, leader de Move Forward, l'un des partis d'opposition, qui réclame du sang frais.
Prawit Wongsuwan a été rattrapé en 2018 par un scandale qui a révélé plus d'un million d'euros de montres de luxe non déclarées dans son patrimoine. Il a été plus tard blanchi des soupçons de corruption.
L'un de ses principaux dossiers sera la préparation du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à Bangkok, les 18 et 19 novembre.
P.Stevenson--AMWN