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Colombie: Rodolfo Hernandez, le millionnaire et outsider surprise de la présidentielle
C'est la grande surprise du 1er tour de la présidentielle de ce dimanche en Colombie. Rodolfo Hernandez, un millionnaire quasi-octogénaire, a mis la droite traditionnelle hors course et affrontera au second tour le 19 juin l'opposant de gauche Gustavo Petro, arrivé largement vainqueur.
Sa formule: un discours aux accents populistes, souvent outranciers et parfois grossiers, essentiellement sur le thème de la corruption --mal endémique du pays--, pour au final des idées bien difficiles à cerner.
M. Hernandez propose toutes sortes de mesures, de la "fermeture d'ambassades" (colombiennes dans le monde), pour amortir les prêts étudiants, à l'obligation pour tous les Colombiens d'aller au moins une fois à la mer.
La première action de son gouvernement sera de rétablir les relations avec le Venezuela voisin, mais il menace dans le même temps d'expulser les centaines de milliers de migrants en situation irrégulière.
- "Rats et voleurs" -
Cet ingénieur de 77 ans s'est lancé comme un outsider dans la campagne, sans l'appui d'aucun parti, et a obtenu 5,4 millions de voix (28,17%), devançant le candidat de droite Federico Gutierrez (4,6 millions), qui avait pourtant le soutien de la plupart de l'establishment politique, libéraux, conservateurs et partis traditionnels.
Commence maintenant la confrontation avec Petro (40,34%), qui aspire à devenir le premier président de gauche de l'histoire récente du pays, mais dont la candidature continue d'inquiéter une partie des Colombiens, effrayés par une gauche toujours associée aux "communistes", aux vieilles guérillas et au chavisme du Venezuela voisin.
Coaché par un stratège espagnol, Victor Lopez, qui a mené le président salvadorien Nayib Bukele à la victoire, M. Hernandez a suivi le décompte des voix dimanche en maillot de bain et en buvant une bière au bord de la piscine de sa "finca" (maison de campagne), selon une vidéo partagée sur les réseaux.
"Il profite de tout, de la lassitude envers la classe politique traditionnelle, use d'une communication très basique avec un langage familier (...) et tombe clairement dans le populisme", explique à l'AFP Angela Rettberg, professeur de sciences politiques à l'université des Andes.
Cet autoproclamé "roi de TikTok" et des réseaux sociaux a commencé à recevoir dès le soir de sa qualification au second tour les félicitations de plusieurs personnalités de droite, qui placent désormais leurs espoirs en lui pour stopper l'ascension de M. Petro.
M. Hernandez a fait fortune dans l'immobilier, en construisant des lotissements populaires dans sa ville natale de Piedecuesta (nord), dans les années 1970.
Il a été élu fin 2015 maire de la ville voisine de Bucaramanga, capitale du département de Santander.
Pendant son mandat (2016-2019), il s'est fait connaître dans le reste du pays pour ses "live" hebdomadaires sur Facebook.
Il a également défrayé la chronique pour ses pugilats en public avec des conseillers municipaux, accusés d'être des "rats" et des "voleurs corrompus".
- Hitler ou Einstein? -
Fin 2018, il a été démis trois mois de ses fonctions de maire pour avoir giflé devant les caméras un conseiller qui accusait l'un de ses quatre fils d'avoir touché des pots-de-vin.
Aujourd'hui, l'un de ses slogans de campagne appelle à "donner une gifle à la corruption".
Mais Hernandez lui-même a été inculpé pour avoir favorisé une entreprise liée à son fils Luis Carlos pendant son mandat de maire. Et en tant qu'homme d'affaires, il était proche de la classe politique qu'il jure aujourd'hui d'éradiquer.
Il est connu pour avoir exprimé il y a quelques années son admiration pour le "penseur allemand Adolf Hitler", s'excusant finalement en assurant qu'il voulait dire en fait "Albert Einstein".
Sa fille adoptive Juliana a été enlevée en 2004 par des guérilleros de l'ELN, guérilla d'extrême gauche d'inspiration guévariste, qui ont exigé deux millions de dollars en échange de sa libération. Hernandez n'a pas accepté de payer et sa fille est portée disparue depuis, considérée comme morte.
Malgré cela, il a expliqué durant la campagne être favorable à la signature d'un accord de paix avec cette guérilla, proposant simplement de l'inclure dans l'accord de paix historique signé en 2016 avec les FARC marxistes.
La comparaison avec Donald Trump est inévitable, et la presse colombienne ne s'en prive d'ailleurs pas. Car le doyen des candidats à la présidence colombienne est sujet à de brusques changements d'humeurs ou d'opinions.
Favorable il y a encore quelques semaines à la fracturation hydraulique dans l'industrie pétrolière, et à la pulvérisation de glyphosate pour détruire les cultures de coca, il a finalement changé d'avis.
Hernandez n'a participé à aucun des débats de la dernière semaine de la campagne.
Tout cela importe peu au final à un "électorat qui a peur du candidat de gauche (...) et qui, d'autre part, est agacé par la droite", juge Mme Rettberg.
H.E.Young--AMWN