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La Géorgie s'enlise dans la crise politique avant l'élection d'un nouveau président
De nouvelles manifestations pro-UE rassemblent des milliers de personnes en Géorgie vendredi, à la veille de la désignation par un collège électoral du président, un poste promis à un partisan radical du gouvernement, à la place de la pro-occidentale Salomé Zourabichvili.
Ce pays du Caucase est dans la tourmente depuis les élections législatives du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir, Rêve géorgien, mais jugées truquées par l'opposition pro-européenne.
Dans la capitale, Tbilissi, la principale manifestation antigouvernementale, chaque soir devant le Parlement, a rassemblé des milliers des personnes, selon des journalistes de l'AFP, et devrait à nouveau se prolonger dans la nuit.
Pour la première fois depuis le début de la crise, des manifestations d'ampleur, organisées par les secteurs professionnels, ont eu lieu pendant la journée à Tbilissi, avant la manifestation du soir.
- Zourabichvili "doit rester" -
Les tensions pourraient s'accentuer samedi, le jour où le Rêve géorgien compte faire élire à la présidence de la Géorgie l'ex-footballeur d'extrême droite Mikheïl Kavelachvili, une personnalité loyale au pouvoir.
Un rassemblement est déjà annoncé pour la matinée devant le Parlement, où un collège électoral contrôlé par le parti au pouvoir devra le désigner par un vote boycotté par l'opposition.
L'actuelle cheffe de l'Etat, Salomé Zourabichvili, qui a des prérogatives limitées mais est en rupture avec le gouvernement et soutient les manifestants, avait auparavant annoncé qu'elle refuserait de rendre son mandat tant que de nouvelles législatives n'auraient pas été organisées.
Mme Zourabichvili, pendant une conférence de presse vendredi, a estimé que la désignation le lendemain du président était une "parodie" et serait "anticonstitutionnelle" et "illégitime".
Le président français Emmanuel Macron, dans un message vidéo, a quant à lui affirmé que la France était aux côtés de ses "chers amis géorgiens" dans leurs "aspirations européennes et démocratiques".
"La Géorgie ne peut espérer progresser sur son chemin européen si les manifestations pacifiques sont réprimées avec un recours disproportionné à la force, si les organisations de la société civile, les journalistes, les membres des partis d'opposition sont inquiétés", a-t-il ajouté.
Au cours des deux premières semaines de manifestations, la police a utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser les rassemblements quotidiens de milliers de personnes. Des protestataires ont, quant à eux, recouru à des mortiers d'artifice contre les forces de l'ordre.
Plus de 400 manifestants ont été interpellés, selon des chiffres officiels, dont au moins trente pour des infractions pénales, passibles de peines sévères.
De multiples cas de violences policières contre des manifestants et des journalistes ont été documentés par des ONG et l'opposition, une répression qu'ont dénoncée les États-Unis et les Européens.
Vendredi, l'ONG Amnesty International a assuré que les manifestants avaient subi "des tactiques de dispersion brutales, des détentions arbitraires et des tortures".
Le Rêve géorgien a affirmé que l'opposition était responsable des violences, relevant que les rassemblements étaient depuis plusieurs jours plus calmes. Des descentes de police ont conduit à la saisie de quantités de feux d'artifice et à l'arrestation de plusieurs meneurs de l'opposition.
Vendredi, Washington a annoncé avoir interdit de visa une vingtaine de personnes accusées de "saper la démocratie" en Géorgie, parmi lesquelles des ministres en exercice et des parlementaires.
- Légitimité écornée -
Pas encore élu, M. Kavelachvili voit sa légitimité déjà remise en cause par des experts en droit constitutionnel.
Car le Parlement a ratifié les mandats des élus, en contravention avec la loi qui exigeait d'attendre la décision de justice concernant la demande de Salomé Zourabichvili d'annuler les résultats du scrutin d'octobre.
"La Géorgie est confrontée à une crise constitutionnelle sans précédent", a déclaré à l'AFP Vakhtang Khmaladzé, l'un des auteurs de la Constitution géorgienne, ajoutant que "le pays se retrouve sans parlement ni pouvoir exécutif légitimes. Et le prochain président sera tout aussi illégitime".
Pour des manifestants, l'élection de samedi ne changera rien. Mikheïl Kavelachvili "sera élu, et nous manifesterons encore", lance Mariam Kevlishvili, 28 ans, drapeau géorgien autour du cou.
Pour cette femme, "la violence ne vient que du gouvernement", qui sera "tenu pour responsable de tout ce qui se passe dehors".
Th.Berger--AMWN