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Face à la sécheresse, le paradis américain de l'escalade de glace s'allie à une mine
En équilibre sur ses piolets et crampons, Clint Cook grimpe un énorme mur d'eau gelée dans un canyon d'Ouray, épicentre de l'escalade de glace en Amérique du Nord, de renommée mondiale, s'adonnant à une activité particulièrement menacée par le changement climatique.
Face à l'avenir précaire de ce sport d'hiver, l'alpiniste peut compter sur un allié inattendu: la mine voisine, qui a accepté de céder une partie de son eau pour aider à construire les façades de cristal de ce village du Colorado, dans l'ouest des Etats-Unis.
Cette décision a laissé le guide de haute montagne "bouche bée".
"Accéder à une nouvelle source d'eau change vraiment la donne, pour éviter de puiser dans les réserves de la ville", explique à l'AFP le quadragénaire.
Niché au cœur des Rocheuses, à 2.400 mètres d'altitude, Ouray est célèbre auprès des montagnards du monde entier pour son parc à glace artificiel.
Depuis 30 ans, le village a installé des tuyaux pour faire ruisseler l'eau sur les parois d'une gorge voisine en hiver.
L'endroit se transforme alors en majestueux palais de glace, avec des dizaines de voies gelées à gravir.
Mais entre 2000 et 2021, le Colorado a subi une méga-sécheresse, aggravée par le changement climatique.
Le futur d'Ouray a alors semblé fragile: le village avait moins d'eau pour abreuver son parc, alors que la fréquentation a explosé pour atteindre 5.000 grimpeurs par hiver.
- "Pas de douche !" -
"Certains faisaient le tour de la ville en criant: +Ne prenez pas de douche ce soir! Nous avons besoin de cette eau dans le réservoir pour produire de la glace+", raconte M. Cook.
La mine a accepté de lui louer des millions de litres d'eau par an, qu'elle a le droit de pomper dans un cours d'eau local, pour un dollar symbolique.
Grâce à cet accord, la structure aura "entre trois et cinq fois plus d'eau" pour fonctionner à partir de l'hiver prochain, selon son directeur Peter O'Neil.
De quoi sécuriser son existence pour "les 25 prochaines années" et "la prochaine génération de grimpeurs sur glace", espère le septuagénaire. Au printemps, la glace fond et l'eau retourne dans la nature.
Avec le réchauffement climatique, les conditions idéales pour faire geler l'eau ruisselante, qui nécessitent plusieurs nuits d'affilée sous les -7°C, se raréfient. D'où l'importance de pouvoir ouvrir les robinets en grand lorsqu'elles se présentent.
L'accord a été accueilli avec soulagement à Ouray. Car le tourisme lié à l'escalade de glace rapporte jusqu'à 18 millions de dollars par hiver aux hôtels et commerces de ce village de 900 habitants, qui se vante d'être la "Suisse de l'Amérique".
Jen Brinkley voyage quasiment chaque saison depuis la Californie pour s'y rendre.
Lorsqu'elle a commencé à grimper il y a 30 ans, "on ne se demandait jamais: +Et s'il n'y avait pas de glace ?+", raconte cette quinquagénaire.
- "Gagnant-gagnant" -
L'eau supplémentaire la rassure, car elle va permettre de produire davantage de colonnes de glace, ce qui évitera la surfréquentation parfois dangereuse sur certaines parois.
"Avec plus de voies ouvertes, les gens peuvent se disperser et tout le monde peut avoir une chance de grimper", se réjouit-elle.
Cette alliance entre une industrie flanquée d'une image de pollueur et des amoureux de la montagne est un accord "gagnant-gagnant", selon Brian Briggs, l'ex-patron de la mine qui a scellé le partenariat.
L'entreprise avait droit à un surplus d'eau pour un "usage récréatif" qu'elle n'utilisait pas et souhaitait améliorer son "acceptabilité sociale", explique-t-il.
Ouray a été fondé au XIXe siècle pendant la "ruée vers l'argent" au Colorado, un passé symbolisé par une statue de mineur à l'entrée du village.
Mais après la perte de vitesse de l'industrie dans la région, il fallait convaincre certains habitants réticents de rouvrir une mine d'argent, un minerai essentiel pour fabriquer des panneaux solaires.
Après avoir vu son industrie polluer irrémédiablement le fleuve Ankobra au Ghana, M. Briggs estime qu'il vaut mieux exploiter le riche sous-sol américain.
"Nous disposons de certaines des réglementations environnementales les plus strictes au monde", argue l'ingénieur minier. "Pousser notre exploitation des minéraux vers d'autres pays est vraiment une mauvaise politique environnementale."
L.Miller--AMWN