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En Equateur, en raison de la violence, les morgues débordent
Des employés en combinaison retirent des sacs mortuaires d'un conteneur au siège de la police scientifique de Guayaquil, épicentre de la violence en Equateur liée au trafic de drogue. Depuis plusieurs jours, une forte odeur de putréfaction imprègne le quartier.
"Je fume pour atténuer l'odeur", explique à l'AFP un homme sous couvert d'anonymat, en tirant une bouffée sur sa cigarette, tandis qu'il attend sous une chaleur écrasante de récupérer la dépouille d'un proche.
Les habitants de ce quartier du principal port du pays sur la côte Pacifique, où le nombre de corps non identifiés ne cesse de croitre en raison de la violence des gangs liés au narcotrafic, ont commencé à sentir une odeur de putréfaction il y a quelques jours.
Cela dure depuis "environ trois ou quatre jours", affirme un vendeur de cercueils du quartier, qui tente de se prémunir de l'odeur nauséabonde avec un masque, tandis que passants et proches ne peuvent s'empêcher de faire des gestes de dégoût.
A défaut de données officielles, la presse locale avance le chiffre de 200 cadavres présents dans l'institut médico-légal, des dépouilles souvent non identifiées ou non réclamées par les proches.
Les autorités ont reconnu mardi qu'"en raison de l'augmentation de la violence criminelle dans le pays, il y a un plus grand nombre de cadavres non identifiés" dans les morgues de Guayaquil.
Outre l'augmentation du nombre de corps, "deux conteneurs réfrigérés" sont tombés en panne, ont-elles expliqué. Panne qui a provoqué la fuite d'écoeurants fluides corporels hors de ces mêmes conteneurs, selon des employés de la morgue, cités par la presse locale.
Sur des images obtenues par l'AFP jeudi, on peut voir quelques-uns de ces employés sortir des sacs mortuaires d'un conteneur, les placer dans des cercueils, ensuite emballés dans du plastique puis chargés dans des corbillards.
- "Désagréments" -
L'institut médico-légal a simplement indiqué à l'AFP que les autorités se réunissaient pour analyser la situation.
Le bureau du gouverneur de la province de Guayas, dont la capitale est Guayaquil, a assuré avoir "réussi à résoudre" les "désagréments survenus" ces derniers jours, du fait de la panne de la réfrigération des conteneurs, sans plus de détail.
"Il y a pas mal de gens qui ont besoin de sortir (les corps), des gens qui viennent de loin", explique à l'AFP un homme de 57 ans qui a demandé à être simplement appelé Mena.
Le siège de la police scientifique reçoit les corps des victimes de morts violentes de Guayaquil et de la ville voisine de Duran, secouées toutes deux ces dernières années par les gangs liés au trafic de cocaïne à destination de l'Amérique du Nord et de l'Europe.
L'Équateur a atteint un record de 47 homicides pour 100.000 habitants en 2023, contre six pour 100.000 en 2018. Environ 1.900 homicides ont été dénombrés au cours des quatre premiers mois de l'année, tandis que sur l'ensemble de l'année dernière, 8.004 ont été comptabilisés.
Le niveau de violence a atteint un tel point dans le pays autrefois considéré comme un havre de paix, que des corps apparaissent souvent criblés de balles, démembrés ou suspendus aux ponts, abandonnés là par leurs bourreaux.
Face à la montée de la violence, le président équatorien Daniel Noboa a déclaré en janvier "la guerre" contre les gangs qualifiés de "terroristes", ce qui lui a permis de déployer l'armée dans les rues et les prisons pour tenter de maintenir l'ordre.
Ce n'est pas la première fois que le nombre de cadavres dépasse la capacité de la morgue de Guayaquil. Lors de la pandémie de Covid-19, les morts ont dû être entassés dans des conteneurs d'où s'échappaient également des fluides provenant des corps en décomposition.
L.Mason--AMWN