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Agriculture: un projet de loi pour calmer la colère, réprouvé par les ONG
Le gouvernement présente mercredi son projet de loi pour l'agriculture qui s'attire les foudres des ONG depuis qu'il a été étoffé, face aux manifestations d'agriculteurs, des mesures pour accélérer la construction de réserves d'eau et alléger les sanctions en cas d'atteinte à la nature.
La présentation en conseil des ministres de ce texte, en préparation depuis plus d'un an, a été repoussée à plusieurs reprises. Devant l'explosion de colère du monde agricole cet hiver, le gouvernement a ajouté des articles pour satisfaire une partie des revendications du syndicat majoritaire FNSEA.
L'ONG environnementale WWF regrette mercredi que le projet de loi "s'attache à renouveler les générations en agriculture mais en omettant le renouvellement des pratiques" nécessaire faire au dérèglement climatique et aux enjeux de "préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, en particulier l'eau", selon un communiqué.
Plus cinglante, l'association Agir pour l'environnement dénonce un texte qui "frappe par son absence totale d'ambition en matière d'installations ou de transition agro-écologique. Pire, il consacre une trajectoire d'industrialisation et de négation de l'urgence environnementale, cédant à toutes les exigences cyniques des syndicats productivistes".
"L'air de rien, tous les articles apparemment disjoints qui composent ce texte fourre-tout et confus tendent bien dans une direction commune: aucune ambition, mais un renoncement généralisé", juge l'organisation.
Le texte s'appelle désormais "projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture".
Il trouve son origine dans "deux défis d'une ampleur historique", a souligné le cabinet du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau: l'urgence de remplacer plus du tiers des agriculteurs qui seront partis à la retraite dans la décennie et le changement climatique.
"On a une espèce de mur démographique où on doit aller chercher des bras et des compétences pour renouveler les générations", poursuit le cabinet, selon lequel "on a besoin de 30% d'apprenants en plus immédiatement" pour stopper l'érosion continue de la population agricole - la France a perdu 100.000 fermes en dix ans.
Le gouvernement, qui ne fixe pas d'objectif chiffré de nouvelles installations, entend "former plus et former mieux".
Ce principe ne devrait guère susciter de débats au Parlement, à l'inverse des mesures introduites à la faveur de la crise.
- "Intérêt général majeur" -
Le premier article de la loi, ainsi que l'exigeait la FNSEA, consacre l'agriculture, la pêche et l'aquaculture au rang d'"intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation".
Cette disposition est destinée à "nourrir la réflexion du juge administratif" quand il aura à trancher un litige autour d'un projet agricole, selon le cabinet de Marc Fesneau. Autrement dit, quand il faudra mettre dans la balance production de nourriture et impératif de protection de la nature.
Le texte vise aussi à réduire les procédures autour des constructions de réserves d'eau pour l'irrigation et de bâtiments d'élevage.
"La question, ce n'est pas d'en rabattre sur la question de l'environnement, (...) c'est de ne pas avoir des projets qui durent cinq, sept, huit, dix ans" avant de sortir de terre voire d'être abandonnés, a déclaré Marc Fesneau mercredi matin sur RTL.
En l'état, le texte autorise le gouvernement à revoir par ordonnance l'échelle des peines en cas de dommage sur l'environnement (destruction de haie par exemple).
"Vous avez parfois des peines et des procédures qui sont disproportionnées, qui sont vécues comme infamantes ou humiliantes par les agriculteurs", explique le cabinet du ministre. Il s'agit de montrer "la volonté de l'Etat d'accompagner, d'expliquer, de faire réparer si besoin" plutôt que d'être "dans une logique punitive et inefficace au final".
"Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura plus de peines pour des destructions ou pour des atteintes à l'environnement qui sont graves. Cela veut dire qu'on va essayer d'adapter les sanctions et l'échelle des peines (...) à la réalité des situations", assure le cabinet.
Ce projet de loi doit être examiné à partir du 13 mai en séance à l'Assemblée nationale, puis pendant la deuxième quinzaine du mois de juin au Sénat, pour une adoption espérée dans la foulée.
J.Oliveira--AMWN