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Face aux gangs, Haïti prolonge l'état d'urgence, le port principal à l'arrêt
Le port de la capitale d'Haïti est à l'arrêt jeudi face à la recrudescence de la violence des gangs qui a contraint les autorités de ce pays pauvre des Caraïbes à prolonger l'état d'urgence à Port-au-Prince.
Les bandes criminelles, qui contrôlent la majeure partie de la capitale ainsi que les routes menant au reste du territoire, s'en prennent depuis plusieurs jours aux sites stratégiques du pays en l'absence du Premier ministre contesté Ariel Henry, dont ils réclament la démission tout comme une partie de la population.
La Caribbean Port Services S.A., l'opérateur du port de la capitale, a annoncé jeudi suspendre son activité en raison des "troubles à l'ordre public", citant des "actes malicieux de sabotage et de vandalisme" subis depuis le 1er mars.
Le journal officiel avait publié plus tôt un "arrêté instaurant l'état d'urgence sécuritaire sur toute l'étendue du département de l'Ouest", qui comprend la capitale, "pour une période d'un mois".
Un nouveau couvre-feu nocturne a également été décrété jusqu'à lundi.
Un premier état d'urgence, assorti d'un couvre-feu - difficilement applicable -- avaient déjà été déclarés dimanche après l'attaque de prisons par des bandes armées qui s'était soldée par l'évasion de milliers de détenus.
- "Enfer pour nous tous" -
Parmi les infrastructures stratégiques visées ces derniers jours par la violence des gangs, figurent également des tribunaux et des commissariats de police.
Une nouvelle antenne de police a ainsi été incendiée mercredi soir dans Port-au Prince, a dit à l'AFP Lionel Lazarre, coordonnateur général du Syndicat national de policiers haïtiens (Synapoha), mais les policiers ont eu le temps de le quitter avant l'attaque.
Selon un décompte du Synapoha, depuis le début des attaques coordonnées des gangs, 10 bâtiments de police ont été détruits et deux prisons civiles attaquées et vidées de leurs détenus.
Un influent chef de gang, Jimmy Chérizier dit "Barbecue", a assuré mardi que si le Premier ministre Henry ne démissionnait pas et si la communauté internationale continuait de le soutenir, le pays d'environ 11 millions d'habitants allait "tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide".
Le dirigeant, qui aurait dû quitter ses fonctions début février, était à l'étranger et n'est toujours pas parvenu à rentrer en Haïti, empêché notamment par l'insécurité autour de l'aéroport international.
Jeudi matin, Ariel Henry se trouvait toujours à Porto Rico, a déclaré à l'AFP le porte-parole de la police aux frontières de ce territoire américain des Caraïbes.
Le système de santé en Haïti est "proche de l'effondrement", a alerté pour sa part le bureau de l'ONU pour les affaires humanitaires (OCHA).
"De nombreux établissements de santé sont fermés ou ont dû réduire drastiquement leurs opérations en raison d'une pénurie inquiétante de médicaments et de l'absence du personnel médical", a précisé OCHA.
Alors que les administrations et les écoles restent fermées, beaucoup d'habitants tentent de fuir les violences, leurs maigres effets sous le bras.
- "Abandonnée" -
L'association Réseau National de Défense des Droits Humains en Haiti (RNDDH) a dénoncé l'inaction de l'Etat haïtien face à ces violences.
"Les autorités gouvernementales ont démissionné", écrit-elle dans un rapport daté de mercredi.
"Les rues de la capitale et de tout le département de l'Ouest sont livrées aux bandits armés. Et la population haïtienne est tout simplement abandonnée à son sort", ajoute l'association, qui déplore ainsi le fait que les policiers ont "abandonné les rues".
Parmi ses recommandations: "Tout mettre en oeuvre en vue de reprendre le contrôle du territoire national dans son ensemble".
Pour cela, le Conseil de sécurité de l'ONU a donné en octobre son accord pour l'envoi d'une mission sécuritaire multinationale menée par le Kenya, qui veut dépêcher 1.000 policiers. Mais son déploiement est retardé par la justice kényane et un manque criant de financements. Aucune date n'est avancée pour l'arrivée de la mission.
L'ONG Médecins Sans Frontières a publié jeudi une enquête sur la mortalité en Haïti depuis plus de 10 ans, qui "révèle des niveaux extrêmes de violence subie par les résidents du bidonville de Cité Soleil à Port-au-Prince", avec d'août 2022 à juillet 2023 "près de 41% des décès liés à la violence et un taux brut de mortalité de 0,63 décès pour 10 000 personnes par jour".
"MSF avait déjà observé des taux de mortalité semblables en 2017, dans les camps de Raqqa", ville syrienne ancien fief du groupe Etat islamique, assure l'ONG, qui a annoncé mercredi renforcer sa présence à Port-au-Prince pour répondre à l'afflux de blessés.
O.Norris--AMWN